le merveilleux se décline au présent

watchtowerRéponse à un certain état d’esprit, dans la presse et la culture, vis-à-vis du conte merveilleux.

Depuis quelques années, avec mes trois dernières créations, je m’applique à tisser ensemble le monde moderne et des récits plus anciens, afin de faire résonner du merveilleux dans notre décor d’aujourd’hui.

Il ne s’agit pas de s’évader vers du kitsch, de bien finir les amours et de distiller sur les décharges de l’eau de rose. Il ne s’agit pas d’asséner des sagesses, ni des modes d’emploi (vivre comme nos grands-pères).

  • miroir du monde

Il serait temps de ne plus considérer le merveilleux comme relégué aux enfants et aux films d’animation. Les contes merveilleux sont, dans nos contrées, les plus anciens témoignages d’art de vivre et d’initiation, des textes d’une portée symbolique immense, un condensé d’observations affiné par la suite des générations.

Merveilleux veut simplement dire miroir, ce sont des récits qui se veulent reflets de soi et du monde. Ils peuvent raconter tous les tiraillements d’une seule et même personne, tout en décrivant les rapports de force des sociétés, ainsi que notre lien à l’invisible et au mystère. Ils sont de tous ces niveaux à la fois. Des lois d’un temps qui passent les temps et qui témoignent de l’éternel présent.

L’air de rien.

cabane_bergerEt c’est bien ce « l’air de rien » qui donne toute sa puissance et sa noblesse au conte merveilleux. Il ne s’agit jamais de convaincre. Un spectateur peut choisir de n’écouter que l’écorce, la fable, et il sera content. Émerveillé. Nul n’est obligé à rien. Mais le spectateur qui devient explorateur y trouvera les graines qu’il cherche. C’est un récit qui cache sa lumière. C’est la belle pudeur de la sagesse populaire.

Quand on croit aux coïncidences, aux drôles de hasards, à l’effleurement de mondes parallèles, on gagne cette petite étincelle dans l’œil qui permet de ne plus regarder les choses de façon définitive. Notre monde est moins implacable, nos impasses sont moins bouchées, nos problèmes moins insolubles.

  • conte/contemporain

Ce n’est pas du béat, mais du dynamique, ce n’est pas du kitsch, mais de l’art poétique, ce n’est pas du constat mais du souffle, c’est remettre les modernes dans un fleuve.

herfstIl n’y a aucune raison que la sagesse s’arrête à l’ère industrielle, que la vue des anciens soit gênée par une antenne parabolique, et que la rouerie des gens de la terre disparaisse sous le béton et le verre.

Les contes revitalisent la lecture de notre monde quotidien. Ils y créent des espaces, des trous, des abîmes, ils écoutent le mendiant, le sot, l’enfant. Ils font des liens de tout. Ils défient la pensée par leur intelligence.

Nathalie Leone

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Source des images : Wikimedia commons Almaty Lake / Cabane / Nederlands